Aujourd'hui, je vais bien: dans le temps présent, je peux observer tout ce qui va bien dans ma vie, voir les privilèges dont je dispose et en éprouver de la gratitude.
Je suis en bonne santé et ma famille aussi, et je continue de rencontrer des client.e.s qui ont envie d'échanges, d'évoluer, de transformer des choses, d'accroitre leur conscience.
Et pourtant, j'ai envie de partager des considérations autour des thèmes les plus sombres: les deuils, les renoncements, la prise de responsabilité, l'observation des inégalités. A l'image du vent qui souffle, il y a des thèmes qui tournent autour...
Tout d'abord, une question:
Qui serais-tu, si jamais le doute ne cessait, si tu savais qu'il y'aura toujours de l'insatisfaction dans ta vie?
Quand j'observe pas mal de dynamiques dans le milieu du bien-être et de la guérison, il y a le plus souvent celle du souhait d'aller mieux, d'aller bien , de trouver l'équilibre.
Or, l'équilibre n'existe pas tout seul.... ou alors il deviendrait figer.
La vie est toujours en mouvement ( et oui, la métaphore de la roue peut être intéressante à considérer...) . D'ailleurs, pour qu'il y ait mouvement, il faut qu'il y ait un déséquilibre à un moment donné (qui relance les mouvements quand il n'y en a plus).
Si on observe la marche, ou la course, il y a ces moments où le corps se penche vers l'avant, provoquant le déséquilibre qui est résolu en posant un pied, puis un autre, encore et encore. Et la position debout immobile est pénible pour le corps: rester longtemps dans la même position n'est pas prévu: même la nuit nous bougeons à notre insu.
Donc, il va falloir renoncer à l'absolu de l'équilibre. De même, l'insatisfaction est une dynamique d'évolution: elle nous pousse à trouver quelque chose de nouveau, de plus complet, etc. Trop d'insatisfactions nous met en mouvement.
Mais l'habitude de l'insatisfaction peut nous indiquer que nous avons peut-être une addiction au mouvement, au doute, ou une peur de l'immobilité ou même de la satisfaction qui est vécue par certains comme une perte de liberté.
Ah la la... l'humain est si complexe que dès qu'on a compris ou adhéré à une qualité, on la polarise immédiatement, on la fige dans une perception qui nous éloigne de la réalité.
Je suis là, avec ce mouvement qui philosophe en moi et qui me montre à quel point nos intentions bonnes comme mauvaises sont vaines.
Quand elles se veulent bonnes, elles créent de la distorsion, elles nient ce qui est vu comme " mauvais".
Et aujourd'hui, je vois que derrière les bonnes intentions et la peur de mal faire, il y a la peur d'avoir un impact. Un mauvais, cela va de soi.
Le " ne pas nuire" peut se transformer en " ne pas mal faire", "ne pas agir".
Derrière l'attente anxieuse de savoir ce qui est bon ou mal, il y a la peur de l'impact.
Ironiquement, quand on est entrepreneur, on veut avoir de l'impact.
Du moins, je parle pour moi: je ressens de la fatigue quand je travaille avec des personnes qui au fond, veulent revenir en arrière, ou ne veulent pas que les choses bougent ou évoluent.
En human design, je suis dans le quartier de la mutation: donc à priori, plutôt faite pour accompagner les transformations.
Qui dit transformation dit impact: forcément, quand des choses se mettent en mouvement, ça impacte le reste autour.
Ma recherche d'intégrité et de justesse est une recherche d'inclusion de ce qui vit, d'observation des impacts, des systèmes. Mais si ça se transforme en recherche du " bien", cela ralentit les prises de décision, cela se rigidifie en intégrisme qui discrimine et trace des lignes entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas.
Or la Vie ne fige pas la notion de justesse: une tempête qui détruit tout sur son passage n'est ni juste ni injuste: elle peut avoir une action qui nous semble complètement dramatique alors qu'en fait, elle vient bousculer un écosystème, vient parfois remettre les pendules à 0 et permettre à de nouvelles espèces de proliférer autrement.
Nous ne savons pas.
L'intégrité ne se sait pas, la justesse non plus: il n'y a toujours pas LE livre , LE règlement qui nous assurerait d'être une bonne personne ( et évidemment, si un tel livre existait, il recréerait des castes, des séparations entre initiés et disciples, etc... ( quelle horreur! ) )
En revanche, je crois que l'intégrité se sent vibratoirement. Et que ce sont ces sentis-là que nous devons cultiver de notre mieux.
Mais même en les cultivant, nous devons accepter notre responsabilité: à partir du moment où nous naissons, où nous agissons, nous sommes responsables de nos actions et de nos paroles, pour le meilleur et pour le pire.
Alors que j'observe les considérations autour des appropriations culturelles, les prises de paroles autour des guerres à Gaza ou en Ukraine, je vois qu'il y a tant de points de vue!
Parler de moi, de ma sensibilité, de mes tribulations est bien une preuve de mes privilèges.
Quand j'observe et ressens mes propres discours en adoptant un autre point de vue, je vois leur violence: j'ai le loisir de poser ces mots, j'ai le loisir de m'interroger sans être menacée physiquement ou émotionnellement . J'ai la possibilité de parler d'authenticité et de vérité, alors que dans d'autres pays, c'est passible de peine de mort.
L'ensemble des discours de développement personnel ne tient pas compte souvent de ces réalités quotidiennes dans de nombreux pays.
La liberté de choix n'existe pas quand on est en survie. Dans ce cas, on a peu de marges de manoeuvre, et c'est un challenge autrement plus grand de rester connecté à ses convictions profondes, à ses valeurs.
Parfois, rester intègre va au nous mener à la mort.
Sachant cela, comment imaginer montrer du doigt des personnes qui ont troqué leur intégrité pour leur survie?
En réalité, nous le faisons tous plus ou moins, même quand notre survie physique n'est pas menacée.
Notre mental et notre système nerveux restent souvent en survie pendant des années, même après qu'un danger soit passé.
Dès lors, si nous voulons créer un monde plus intègre, nous devons travailler ensemble à créer des endroits plus sécures: non seulement émotionnellement, mais aussi très concrètement, des endroits où les corps sont en sécurité.
Donc ouvrir les yeux, collectivement, sur les insécurités, les inégalités.
Et apprendre à en parler, à les nommer, à ne plus les accepter comme étant " comme ça".
Non. ce n'est pas " comme ça", normal, habituel qu'en 2024, des personnes ne puissent pas s'exprimer sans craindre pour leur vie, leur job, leur famille...
Qu'elles soient femmes ou hommes, noires, blanches ou d'autres couleurs, que leurs préférences culturelles, religieuses ou sexuelles soient comme ci ou comme ça.
Moi, je rêve d'un monde où on peut juste écouter l'autre, le comprendre, le rejoindre dans sa réalité: apprendre de lui ou d'elle.
Mais ceci est sans aucun doute une utopie. Il est à égale mesure utile de ne pas comprendre l'autre, de ne pas adhérer, de ne pas l'entendre pour pouvoir s'entendre ça.
Les seuls équilibres possibles sont ceux qui incluent les contraires et les paradoxes.
Si un principe est dénué de sa substance, il devient vain.
Mais quand les paradoxes sont embrassés, il reste souvent un long silence.
C'est aussi pour cela que le déséquilibre est si puissant, que ce soit dans le regard porté sur le monde, la parole maladroite: c'est grâce à lui que les mots sont prononcés, que les élans démarrent, que les échanges peuvent se faire.
Il est ce qui nous motive à chercher, à rencontrer, à grandir, à évoluer: quel moteur !
Le déséquilibre fait aussi tourner le monde.
Quand l'équilibre est harmonisé avec son contraire, que reste t 'il?
Une expérimentation libre de la Vie....
Cet article a été commencé à la fin du mois de février... Je suis souvent traversée par des mouvements, des réflexions qui se partagent au gré du vent... sauf que parfois, j'oublie de le publier, et que quelques semaines plus tard, d'autres réflexions se sont invitées...